Linux est-il un projet d’essence communautaire ?
Je vais tâcher de vous faire profiter de la discussion que nous avons, Renault et moi, sur Fedora. Je voudrais étendre cette discussion.
La génèse
A l’origine de Linux, il y a un homme, un étudiant à l’époque, Linus Torvalds, là où d’autres comme Stallman se sont cassés les dents sur Hurd. Linux est né d’un étudiant finlandais. Elle est née du monde universitaire. En faisant le choix de le publier sous licence GNU, Linus propose de fait un nouveau modèle économique. Aujourd’hui encore, c’est lui seul qui valide les modifications apportées au noyau Linux.
La 1ère grande distribution Linux qui voit le jour, Slackware dont est dérivée le projet commercial SUSE, est également l’oeuvre d’un homme seul Patrick J. Volkerding. Le projet est aujourd’hui moribond. Concernant Debian sortie peu de temps après, c’est à Ian Murdock – mort en 2015 – qu’elle doit son existence. C’est encore Daniel Robbins qui créera Gentoo, puis Funtoo. Citons enfin Gaël Duval à l’origine de Mandrakelinux et de Mandriva, qui fut une distribution commerciale, avant de redevenir non commerciale.
Le temps des entreprises
Très vite, le monde des affaires s’est emparé de Linux et des millions de dollars qu’il lui permettrait de gagner. Entrèrent, dans la danse, SUSE, puis Red Hat et enfin Canonical qui distribue Ubuntu. Les distributions éditées et/ou supportées par ces 3 entreprises représentent 54.5% des serveurs Web s’exécutant sur des systèmes Linux. Très vite, afin de bénéficier du travail bénévole de gentils petits hackers et de l’argent public par l’engagement des étudiants et des chercheurs, elles ont fait le choix de livrer des distributions dites « communautaires » telles que Fedora, openSUSE et désormais CentOS. L’objectif est d’éviter de payer de très nombreux salariés en finançant les développements par du bénévolat et de l’argent public venant des universités. Concernant Debian, quel est l’intérêt de ses partenaires et de ses sponsors à financer ses activités, parmi lesquels on retrouve HP, Google, Microsoft, Ubuntu ou IBM ? Sans eux, sans leur argent, sans leurs brevets, que serait Debian ? Que serait Linux ? Il suffit d’ailleurs d’aller jeter un coup d’oeil sur la page des membres de la Linux Foundation et sur la page de la Linux Kernel Organization pour se rendre compte de la véritable nature du projet Linux. Linux a initié un nouveau modèle économique commercial qui s’apparente à un GIE chargé de la promotion et de la minimisation des coûts de développement. Linux, c’est avant tout du business pour les entreprises et pour les indépendants que nous sommes, de l’emploi pour une grande partie des salariés de l’informatique professionnelle.
Communauté(s) ???
Il est difficile dans ce cadre de parler de communautés en ce qui concerne la plupart des projets Linux. Slackware, Gentoo étaient-ils des communautés, alors que leur gourou décidait d’à peu près tout ? Red Hat, SUSE, Canonical sont-elles des communautés ? Non, ce sont des entreprises. Quant à Fedora, openSUSE et CentOS, ce sont, de mon point de vue, des éléments d’une stratégie commerciale qui crée des communautés s’insérant dans un modèle économique solide. Reste le cas Debian dont la marque est gérée sur une association de droit américain, la SPI. Debian est une distribution non commerciale, dont le système de gouvernance se veut coopératif et démocratique. Elle représente aujourd’hui 27.4% des serveurs Web exécutant Linux. Debian est, selon moi, le seul grand projet communautaire du monde Linux. Le souci, chez certains, est la confusion mentale qui fait que Debian est devenu synonyme de Linux. Mais, en l’appelant Debian, contraction de Debra – le prénom de sa femme – et de Ian, son créateur nous rappelle que la génèse du projet fut avant tout l’oeuvre d’un individu de génie.
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