De l’informatique communautaire à l’informatique identitaire
Né dans les années 1920, la force du marketing est de nous faire croire que deux biens ou deux services sous deux marques différentes ayant la même utilité sont en réalité deux éléments différents. Prenons la cas d’une voiture.Son objet est de transporter une petite quantité de personnes. A cet effet, elle accélère, freine. Nous y sommes protégés de la pluie, du vent. Elle nous permet de rouler la nuit. Ce qui va distinguer un véhicule A d’un véhicule B, en dehors de la motorisation, ce sont ces accessoires, au point de nous faire oublier lorsque nous roulons en Renault, Alfa Roméo, Mercedes que nous ne roulons plus à bord d’une voiture. Et pourtant…
Biens Giffen
Prenons Mac OS X, Windows, KDE, Gnome, Android, etc. Il s’agit de logiciels permettant à un utilisateur, Monsieur Michu, vous et moi, d’interagir, de diriger un certain nombre d’actions à l’aide de périphériques d’entrée (souris, clavier, doigts) sur un système d’exploitation associé à un ordinateur, à un système automatisé informatique. Les fonctionnalités sont très majoritairement identiques. Certaines de leur caractéristiques peuvent être différentes, au sens où elles permettent de se différencier.
Main Stream
Pour certains, le fait de posséder un Mac ou de travailler sur un système Linux leur donne la sensation d’appartenir à une communauté de personnes, d’intérêts, à un petit nombre, alors que des millions de personnes dans le monde sont conduits aux mêmes comportements sous l’effet de techniques de marketing extrêmement manipulatrices. Je me souviens de mon ex-beau frère, Thierry, qui avait mis un bidet dans la traction d’un ami qui croyait disposer d’une voiture unique fabriquée à plusieurs millions d’exemplaires. Le message était clair : « Tu as des goûts de chiotte. »
Temps de cerveau disponible
Avec l’élévation du niveau d’études, l’augmentation du temps de loisirs, on aurait pu croire l’être humain et notamment l’informaticien moins perméable aux sirènes de nos marketeux. J’ai commis un billet il y a quelques temps sur le langage Rust où j’épinglais les technologies inventées de toute pièce par les éditeurs, à l’image des têtes de boulons dans l’industrie automobile. En plus de Rust, j’y mettais les langages Go et Dart créés par Google qui, en la matière, est devenu un orfèvre inégalé. Un des commentaires m’a même expliqué, je cite, qu’il s’était « senti méprisé « . J’exprimais alors un point de vue.
Un choix de civilisation
Par que mécanisme, les lecteurs de ce qui n’est qu’un avis sur une technique, une technologie, un moyen, un outil se sont sentis attaqués dans leur chair, dans leur être ? C’est pourtant un peu comme si j’expliquais que je préférais la fourche à la pelle pour retourner mon terrain. La fourche a un usage universel. Pas la pelle. Changeons de sujet. Englués dans les usages liées à une distribution, nous parlons désormais de Debian, d’Ubuntu, de Red Hat ou de Fedora. Nous ne parlons même plus de Linux. La communauté s’est dissoute dans la marque. Nous nous identifions à une marque, à l’image de l’acheteur d’un vulgaire BMW produite à des millions d’exemplaires. A la moindre critique sur Debian ou Google Chrome, nous nous sentons attaqués dans ce que nous sommes, alors qu’il s’agit d’un choix majoritaire. Nos choix techniques, technologiques deviennent alors des marqueurs identitaires. Nous serions ce que nous utilisons. L’identité, désormais, naîtrait des objets et des marques que nous utilisons.
Perspective / Debian, Linux, Marketeux, Rust