Des dieux, des marques et du grand rien
L’identification aux marques est un des nombreux avatars du modèle de la concurrence imparfaite, tels que les économistes nous l’ont expliqué dans les années 1920. Nous nous attachons à des objets : un stylo, une voiture, une paire de chaussure, un iPad. En les achetant très cher, nous croyons nous différencier des autres, alors que ce sont des objets produits en masse. Un jour, mon ex-beau-frère, collectionneur de vieilles voitures à ses heures perdues, eut l’aimable gentillesse de mettre un chiotte dans une traction qu’un de ses amis portait aux nues. Nous pourrions sans doute en faire autant avec les Porsche et autres Ferrari d’aujourd’hui. L’objectif de nos fabricants illusionnistes est d’organiser la rareté en faisant grimper très artificiellement les prix, sans qu’au final l’objet n’ait plus strictement aucune utilité sociale en regard du prix payé.
Mais, aujourd’hui, l’hyper-modernité nous amène à l’adoration de nouveaux idoles : des marques sans objets. Du vent, quoi. Un jour, un de mes amis, à l’occasion de la sortie de Windows Vista, fier de son acquisition, m’expliqua qu’il était bien… parce qu’il était beau. Quelques jours après, la désillusion fût terrible. L’hyper-modernité, c’est encore ce DRH qui, dans les colonnes de 01 Informatique, estimait que la Google-attitude était devenue un critère incontournable du recrutement. Certaines entreprises exigent, même de leurs informaticiens, une certification pour l’utilisation d’un logiciel, dont l’éditeur organise la complexité de manière totalement artificielle !!! La verbosité fonctionnelle permet en fait d’assurer l’augmentation continue des profits au Nasdaq ou au Cac40.
Du coup, il devient difficile de discuter technique avec des « techniciens », tant leur identification aux marques est forte. La charge affective qui se transfère vers la marque nous empêche tout simplement de raisonner. Nous serions devenus ce que nous utilisons.