Gated community
Ce n’est pas facile d’être un travailleur non salarié de nos jours dans la formation professionnelle !
Cela fait plus de 20 ans, maintenant, que je travaille dans ce très grand centre de formation normand, où j’ai toujours autant de plaisir à intervenir. Il y a quelques mois, j’ai été interdit de salle commune sur l’heure du midi. L’un des délégués syndicaux de la boîte est venu me dire, sous la pression insistante de sa propre femme, que ma présence n’était pas souhaitée parmi eux à l’heure du déjeuner. Il m’a expliqué que je n’avais pas à entendre ce qui s’y disait. Le climat social s’est considérablement dégradé et les salariés ne se sentaient pas libres de parler de leur direction régionale et nationale en ma présence.
Quelle que soit mon histoire personnelle avec les directions des enseignes pour lesquelles je travaille, je n’ai jamais eu coutume de colporter les propos des salariés peu amènes à leur endroit. Depuis fin juillet, à la demande de ces mêmes salariés, je suppose, la salle commune a été tout simplement interdite aux intervenants externes. Désormais, nous ne pouvons plus échanger avec les permanents, parler de la pluie et du beau temps normand autour d’un thé ou d’un café. C’était surtout l’occasion pour nous de parler ensemble d’informatique, des technologies utilisées tant en matière d’infrastructure, de réseau que de développement dans les entreprises du bassin de Rouen. Bref, ces moments étaient pour nous des moments privilégiés et utiles.
Aujourd’hui, le représentant syndical qui m’avait très gentiment expliqué que ma place n’était plus parmi les salariés dans la salle commune est parti de l’entreprise, sans d’ailleurs que j’en sois au courant. Je le connaissais depuis près de 20 ans. C’est quelqu’un que j’appréciais. Très gentiment, depuis mercredi, j’ai droit en tant qu’intervenant extérieur à une cafetière posée sur une table, non loin du hall de l’entrée principale. Je ne bois plus de café depuis des années, préférant le thé : le café me ravage l’estomac.
Depuis mercredi, j’ai compris que cette logique mortifère de l’enfermement et de l’entre-soi était en train de gagner tous les étages de la société. Triste époque, tristes sires.